jeudi 8 septembre 2016

pour la première fois, ce soir, j’ai peur…

Bonjour à tous !

Malheureusement, je reprends la plume sur ce blog.
Pourquoi "malheureusement", parce que quelque chose d'inadmissible, encore, se passe !!!

Une poignée de mômes indigestes rendent invivable une petite citée albertivillarienne (d'Aubervilliers) traditionnellement très calme
Voici ma lettre au Président du Conseil Départemental, faisant suite aux portraits idylliques du département, tracés dans le dernier numéro (le 53 de septembre 2016) de "Seine Saint Denis - Le magazine" (http://lemag.seinesaintdenis.fr/Le-magazine-du-Departement-en-PDF)

Je compléterai ce courrier par d'autres, envoyés à tous les politiques concernés (ou pas), aux polices, aux médias !

Et je vais réaliser un manuel "le manuel du parfait emmerdeur" ou,  "Comment pourrir et détruire des vies en 10 leçons !", qui s'appuiera sur l'exemplaire réussite des nouveaux jeunes cons installés au 48 rue Crévecoeur à Aubervilliers.

L'union faisant la force, relayez, diffusez, et commentez ce blog (toujours dans le respect les uns des autres)

Bonne lecture



Monsieur Stéphane TROUSSEL
Président du Conseil Départemental du 93
Hôtel du Département - Esplanade Jean-Moulin
93000 Bobigny

Objet : Lettre ouverte à Stéphane Troussel, Président du Conseil Département de Seine-Saint-Denis,  « insécurité, pour la première fois, j’ai peur… »


Monsieur le Président,

Je viens de lire avec intérêt « Seine-Saint-Denis Magazine » n° 53 de septembre 2016. J’y découvre une Seine-Saint-Denis merveilleuse, admirable, pleine de projets, de solidarités, d’ouvertures, d’exemplarités !

Je la vois se fixant des objectifs ambitieux et humanistes : culture, économie, sports, paysage, habitat, urbanisme... rien ne semble manquer pour affirmer l’amélioration de la qualité de vie dans ce département exemplaire !

« Ici, on construit l’avenir », « terre d’accueil », « romantisme », « imagination », les entreprises du CAC 40 se battent pour s’installer dans ce « poumon vert »… « solidarité, diversité et qualité »… Monsieur le Président, n’en jetez plus, la coupe est pleine !

Nous ne devons pas vivre dans la même « Seine Saint Denis ». Je crois pourtant la connaitre un peu, j’y suis né il y aura 60 ans dans quelques jours, et j’y habite depuis. Et quelques soient les lieux (je ne les fréquente pas tous, mais je peux aisément parler d’Aubervilliers, de Drancy, de Pantin, de la Courneuve, de Bobigny, de Stains (malgré son excellent Théâtre Paul Eluard), d’Aulnay, de Blanc‑Mesnil, de Saint-Ouen, Saint-Denis et autre, que je traverse et pratique régulièrement…), quelques soient les lieux donc, je ne vois pas d’amélioration, au contraire, la dégradation des conditions de vie y est réelle, patente.

Ce qui m’amène à rédiger ce courrier, c’est l’exemple, parmi 1000 autres, de la cité des ponceaux, à Aubervilliers, située au 48 de la rue Crèvecœur… Car oui, c’est bien un Crèvecœur que de la voir devenir si désespérante, et désespérée !
Ma mère, qui a plus de 90 ans y habite depuis plusieurs dizaines d’années. J’y ai moi-même grandi. Jusqu’à cet été, la vie y était (relativement) paisible, et la notion de solidarité était effectivement présente. Que s’est-il passé ? L’installation sous les halls ouverts, de jeunes (je ne pense pas qu’ils travaillent de 8 heures à 22 heures comme ceux dont parle Majid El Jarroudi en page 11 de votre magazine, bien qu’ils fassent du business !). Ils sont là, ils s’installent, entre une dizaine et une trentaine selon ce que j’ai pu constater. Ils fument, ils boivent, ils dealent. Ils s’installent sur les voitures, essaient de voler les motos (dont la mienne), crient, hurlent, se battent, courent et se poursuivent, salissent, dégradent… et bien sûr, rendent la vie des habitants de cette petite citée invivable… Oui, Monsieur le Président, je dis bien « invivable », un endroit où on ne peut pas vivre ! Lorsque je les ai vus pour la première fois, je leur ai demandé ce qu’ils faisaient là, (ils s’arrachaient des canettes de bière, aspiraient des narguilés, faisait fondre du shit…). On a l’impression alors d’être le pot de confiture au milieu d’une meute bourdonnante « qu’est-ce qu’il y M’sieur ?», « Y’a un problème M’sieur ?», « on fait rien, on est posé », « et vous, vous habitez là ?», « vous habitez pas là M’sieur » … ils sont rapidement une vingtaine autour de moi, à m’invectiver, sans menace physique, je l’accorde !

Lorsqu’ils ont essayé de voler ma moto, l’alarme s’est déclenchée ce qui a suffi à les faire partir, j’ai discuté avec une voisine sortie à sa fenêtre… elle me dit que « c’est comme ça sans arrêt, qu’ils ne respectent rien, ils montent sur les voitures, dégradent le peu de mobilier urbain de la cité, cassent tout ce qui est à leur portée, font des courses avec des vélos ou des scooters volés, pissent le long des murs… »
Je lui demande si personne n’a prévenu la police ? elle me réponds « je ne les appelle plus, ils disent qu’ils ne sont pas assez nombreux pour venir ». 
Je l’interroge, « Quelle solution on a ? », et elle me répond, dépitée, « la solution, ce sera dans mon bulletin de vote, la prochaine fois, je sais bien pour qui je voterai ! ». La colère impuissante de cette femme, dont la vie se trouve chamboulée par une bandes de petits crétins laissés livrés à eux-mêmes, et que personne ne semble pouvoir – ou vouloir – congédier !
Je ne peux pas me résoudre à entendre qu’il faut voter LE PEN pour solutionner ça... je lui dit « c’est pas forcément une solution vous savez », et elle me réponds « oh, je dis toujours que je le ferai, mais je ne l’ai jamais fait »… Dernière lueur de lucidité après tant de colère, qui deviendra vite de la haine !
En rentrant chez moi, j’ai appelé la police. L’appel a été interrompu 3 fois par d’autres appels, le policier m’a dit qu’il enverrait une patrouille pour voir, et il m’a conseillé, si ça continuait, de déposer une main courante au Commissariat « pour que les patrons se rendent compte » ! Ce que j’ai fait aujourd’hui, la bande étant revenue, évidemment.

Voilà, Monsieur le Président, comment on fabrique de la délinquance, de l’insécurité, du repli sur soi, de la haine de l’autre. Il suffit d’un mois. Voilà comment on laisse également à l’abandon ces jeunes désœuvrés, car la plupart semblent avoir l’âge du collège ! Sans doute les parents sont à blâmer, mais pas que… Les politiques publiques à Aubervilliers sont de gauche depuis… toujours, enfin depuis Charles Tillon à la libération ! Et quel résultat pour les plus pauvres ? Pas brillant. Vraiment pas brillant. Vous pouvez vous rassurer, et essayer de nous rassurer en parlant du poumon vert, d’entreprises innovantes, de liberté, d’esprit d’entre aide. La réalité de MA vie, de la vie de MES voisins ce n’est pas le poumon vert ! C’est la crainte de devoir passer au milieu de la bande de mômes qui barre la porte de l’accès aux escaliers, pour rendre visite à ma mère ! C’est de me demander si je retrouverai ma moto en sortant de l’immeuble, c’est l’impossibilité de dormir avant qu’ils ne se décident enfin à partir, à une heure plus qu’avancée de la nuit !
D’une petite cité agréable et calme, voilà comment 20 gosses - et l’inaction et l’incapacité des pouvoirs publics -  en font un enfer !



Je sais bien, pour contrebalancer mes propos, que de belles choses se passent en Seine-Saint-Denis. Mes enfants ont pu bénéficier d’un enseignement artistique de haut niveau (ma fille est d’ailleurs musicienne grâce à cela). Je sais bien que l’offre en matière de sports, de loisirs est importante. Je sais bien qu’il y a des histoires très belles, et motivantes. Je sais bien que tous les jeunes ne sont pas délinquants, même en Seine-Saint-Denis… Mais la vie quotidienne, ce n’est pas ça !
La vie quotidienne, c’est des quartiers abandonnés, et la vie de leurs habitants infiniment dégradées. C’est ma fille qui me dit il y a 15 jours « ah non, c’est devenu impossible de prendre les transports en jupe ou en robe ! ».  On n’est pas, Monsieur le Président, dans « des espaces agréables, des transports améliorés »; et ce « cœur d’une nouvelle Seine-Saint-Denis », ce n’est pas l’attractivité, mais s’en enfuir, pour ceux qui le peuvent !

Je suis né en Seine-Saint-Denis, je n’ai jamais fantasmé sur les paysages décrits dans les reportages de TF1 ou M6, mais pour la première fois, mon fils décidant de rendre visite à sa grand-mère ce soir, j’ai peur…

Je vous prie d’accepter, Monsieur le Président, mes salutations respectueuses,


4 commentaires:

  1. Monsieur,

    Bravo pour votre lettre très bien écrite! Ma soeur a travaillé en tant qu'enseignante au Collège (Jean Moulin, je crois) à Aubervilliers pendant 3 ans, où elle enseignait le français, le grec et le latin! Elle m'a décrit tant de fois des scènes analogues à la votre, scènes de batailles d'une très grande férocité à la sortie du collège, ainsi que sa peur de faire le trajet à pied entre le métro Aubervilliers et le collège (évidement, en pantalon avec des chaussures permettant de courir si besoin). Paradoxalement, elle a eu d'excellents résultats dans ses classes, a réussi à passionner des élèves qui sont au quotidien très loin de l'univers de l'histoire antique, de la mythologie grecque et de la traduction! C'est un professeur très exigent, ayant elle même un très haut niveau (agrégée, docteur et maître de conférence) et estimant ses élèves. Il est donc peut être possible d'améliorer les choses, de les prendre en main, avec de l'exigence, de l'intransigeance, et en considérant qu'on a en face de soi des êtres doués d'intelligence, dont l'énergie et le potentiel doivent être exploité et mis en valeur et non laissé à l'état "sauvage"? Nos politiques de gauche et de droite ont ils au moins une petite idée de cela?

    Bien cordialement,

    Elodie Reibaud (harpiste et professeur au CRR de Reims)

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    1. Bonjour Elodie,

      Merci de votre commentaire, et des notes (sic) d'espoir qu'il contient. En effet, cette banlieue est une terre de contraste, le pire et le meilleur s'y côtoient.
      Il ne faut sans doute "rien lâcher", comme votre sœur certainement le fait. Ici, on trouve vraiment des gens de bonne volonté, et certainement de femmes et des hommes politique de bonne volonté (si si, ça arrive, en particulier dans les collectivités territoriales, même s'ils sont souvent absorbés par la "haute politique".. : batailles d'appareils, batailles de pouvoir, batailles d'indécence !). Et c’est à mon sens une circonstance aggravante. Comment, avec tant de bonne volonté, autant rater ce qui s'entreprend ?
      La recette pour sortir de cette fuite en avant vers le gouffre, cette spirale infernale, n'est certainement pas facile à élaborer !
      Par contre, je sais comment obtenir ce qu'on obtient à Aubervilliers, et ailleurs :
      - surpeupler des tours et barres d'immeubles, de gens plutôt exclus socialement (je ne dis pas qu’être pauvre implique d’être socialement exclu, j’ai été pauvre assez longtemps dans ma vie)
      - diminuer le niveau de vie des habitants
      - augmenter le taux de chômage
      - supprimer un enseignement scolaire et civique de qualité
      - baisser les bras lorsqu'une incivilité se passe devant nous, ne rien dire, détourner le regard
      - mixer à outrance et sans accompagnement des gens qui ne se comprennent pas (attention, ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit, je ne parle pas là de monter des murs, bien que cela semble devenir une mode, mais plutôt de monter des passerelles, dont l'apprentissage du français et de sa culture pourrait être un élément prioritaire...)
      - ne pas offrir de services de police et de justice suffisants
      Voilà quelques éléments, bien présents à Aubervilliers, qui favorisent et même incitent à la dégradation de la vie des habitants…
      Vous avez peut-être lu ma lettre ouverte à la Maire d’Aubervilliers, je suis impatient de recevoir sa réponse, et de voir comment elle va agir !

      Et sur un autre sujet, je parlais de ma fille musicienne, elle est aussi harpiste. Comme le monde est petit, et comme de nombreuses occasions de proximité nous sont offertes ! Pourquoi autant de haines et de misères semblent annihiler tout cela ?

      Avec tout ma sympathie,

      Roger L.

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  2. cher Roger,
    je viens de lire ton blog, je suis boulversé et à la fois pas étonné je suis aussi un enfant d’ici né à Drancy vécu à Aubervilliers aujourd’hui à Saint Denis, je connais très bien Stains, La courneuve tous ces endroits qui sont devenus de véritable lieux de « guerre », j’étais au stade de france avec mon fils 8 ans le soir des attentats, j’habite à côté de la rue Corbillon ou je fus obligé de rester 7 heures chez moi sous la protection du Gign et de la Bri……je continue mon travail à (…passage retiré avec l’accord de P), mais cette peur je l’ai au quotidien, ma psy m’aide beaucoup; je vais partir je crois par lâcheté sans doute et aussi pour que mes enfants encore en bas âge échappent à cette violence dont les élus aveugles refusent de reconnaitre et communiquent sur une seine saint denis qui ressemble à un film de fiction.
    Amicalement.
    P.

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    1. Bonjour P.,

      Merci de ton commentaire si personnel, et qui me touche.
      J'ai choisi pour ma part, de ne pas rester dans ces quartiers. Ma mère à son âge n'en bougera pas. Mais moi qui pouvais le faire, voilà. Est-ce de la lâcheté ? Je ne crois pas, c'est l'envie de vivre selon ses choix, ses aspirations. Je suis d'abord parti à Drancy, dans un quartier pavillonnaire (Paris campagne, je crois que je te l'avais dit), où là aussi, ça se dégrade, pas dans les mêmes proportions mais on ne peut le nier ! J'ai tout fait pour que mes enfants ne fréquentent pas le collège du quartier (ils faisaient de la musique, ça m'a permis de les inscrire en classe CHAM, et d'user d'une sorte de passe-droit). Et c'est une certitude, je partirai en Bretagne dès que l'heure aura sonnée... Vivre au milieu d'une véritable solidarité, naviguer... Une vie simple, apaisée !
      Je le regrette, Aubervilliers a vraiment forgé mon caractère, mes aspirations. Cette atmosphère, cette qualité de vie, la richesse des habitants. C'est ici que j'ai découvert le théâtre, le cinéma, la chanson, l'opéra ! La vie associative et... (…)

      Je suis convaincu que ce que tu fais, (…), a un poids immense ! C'est le souffle de la Culture Populaire que tu offres, et tu attises la flamme. Sans prise de tête, simplement, et efficacement, tu offres le meilleur de la culture à tous et à chacun.
      J'aimerais savoir faire ça...

      Accepterais-tu de publier ton commentaire sur le blog, plus il y a de commentaires, plus la "société du spectacle" le regarde... Il est peut-être trop personnel pour ça ?

      amicalement,

      Roger

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